Interdite en Occident au VIIIe siècle par la papauté, la consommation de viande de cheval a longtemps été tabou. L’hippophagie connaît de nouveau un développement important en France au XIXe siècle, notamment sous l’impulsion du naturaliste Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861) et du vétérinaire Émile Decroix (1821-1901). L’intérêt hygiéniste du premier fut doublé d’un souci de protection des chevaux, cher au second. En effet, nombre d’entre eux mouraient d’épuisement en pleine rue, soumis à des conditions de travail éprouvantes.

La promotion de l’hippophagie avait donc un double intérêt : une alimentation saine et bon marché pour les consommateurs et une fin de vie meilleure - car plus rapide - pour les chevaux, la vente des animaux à la boucherie nécessitant leur maintien en bon état. À ses débuts, l’hippophagie fut donc soutenue par la Société protectrice des animaux (SPA). La campagne active menée pour la consommation de viande de cheval aboutit en 1866 à une ordonnance autorisant la viande de cheval et l’ouverture d’une première boucherie chevaline. Le Siège de Paris favorisa également la diffusion de cette pratique alimentaire en 1870.

Si l’hippophagie venait à disparaître totalement, les races de chevaux de trait seraient amenées à disparaître.

Jean-Pierre Digard

Pourtant, elle ne parvint pas à s’instaurer de manière durable dans les mœurs françaises. Les paysans ne concevaient pas de manger leurs compagnons de travail, quand l’aristocratie trouvait déplacé de manger un compagnon de loisirs. C’est donc principalement la bourgeoisie qui s’est adonnée à cette pratique, dont l’apogée se situe entre la fin XIXe siècle et le début du XXe siècle. Ce relatif engouement déclina ensuite. Aujourd’hui, ce sont 30 000 tonnes de viandes de cheval qui sont consommées chaque année, soit 2 à 3% de la consommation totale de viande en France. Si la SPA milite désormais pour l’arrêt de cette pratique, la cessation de cette filière pourrait entraîner la disparition de certaines races de chevaux lourds.