Cet extraordinaire complexe équestre édifié grâce à la prodigalité du prince de Condé, duc de Bourbon, constitue sans doute, après Versailles, le plus beau monument jamais dédié au cheval, d'un luxe inouï par son architecture entièrement en pierre de taille, son abondant décor sculpté et ses aménagements intérieurs. C'est un disciple et ancien collaborateur de Jules Hardouin-Mansart, Jean Aubert, qui en donna le dessin et en suivit la construction de 1719 à 1740. Il s'inspira sur bien des points des écuries de Versailles mais sut faire preuve d'originalité, tant dans la distribution du bâtiment que dans son implantation en position dominante, à distance du château avec lequel il n'entretient qu'un lien purement visuel. L'absence de subordination à la demeure est inhabituelle et fut critiquée comme contraire aux convenances et à la raison. Cette implantation permit d'orienter la longue façade principale au sud, en bordure d'une vaste clairière d'une cinquantaine d'hectares. C'est sur cet espace gagné sur la forêt, dédié dès l'origine aux exercices équestres, que l'on aménagea en 1834 un champ de course qui accueille aujourd'hui des réunions aussi prestigieuses que le prix du Jockey-Club, fondé en 1836, ou le prix de Diane, fondé en 1843.

Partout, on doit retrouver comment les pratiques équestres ont pu être annexées par l'art et comment elles assument fonctions symboliques et utilitaires, représentation et économie.

Daniel Roche, préface de l'ouvrage Les Écuries des châteaux français, par Pascal Liévaux, Paris, Éditions du patrimoine, 2005, 305p.

Le programme imposé à l'architecte était de réunir en un même lieu les chevaux et les carrosses du duc, les chiens de ses meutes et la nombreuse domesticité afférente. S'inspirant des célèbres écuries du château de Maisons, construites au milieu du XVIIe siècle par François Mansart, Aubert dispose le logement des chevaux de part et d'autre d'un vaste manège couvert d'un dôme, les autres services s'organisant autour de cours disposées à l'arrière. Les deux écuries doubles abritent deux cent quarante stalles sous une voûte en berceau qui donne à l'intérieur une puissante monumentalité.